Faire le thérapeute et être thérapeute

Des fois, en séance, il m’arrive de prendre soudain conscience de mon propre fonctionnement face au patient: je pose des questions, j’analyse, je creuse. Mon attention est tout entière tournée vers lui.


Pourtant, je remarque que ce qui est confortable pour moi devient écrasant pour lui. Sous le flot de mes interrogations, je vois parfois mon patient crouler sous la pression.

Alors je m’arrête. J’observe.

🫣 Et je réalise : je fais le thérapeute. Je suis bien installé dans mon rôle et dans mon fauteuil, protégé derrière mes questions – des questions auxquelles le patient ne peut parfois même pas répondre :

  • « Comment te sens-tu ? »
  • « Qu’est-ce qui te fait dire ça comme ça ? »
  • « Quel lien avec ceci ? »

✨ À ce moment-là, je m’interromps et lui dit: « Je m’excuse, je joue au thérapeute avec toi. Prenons un autre chemin. »

En me rendant compte que je ne comprends rien, j’accepte de ne plus savoir, j’accepte d’avoir mal, je porte mon attention sur mes ressentis, je cherche à être touché et non plus à être un bon thérapeute.

J’accueille dans ma chair ce qui se joue entre nous : la souffrance, la gêne, l’angoisse, le mal-être, la colère, la tension.

Les mots commencent alors à venir, maladroits d’abord, puis ajustés ensuite. Un mot rejeté, un autre accepté, dernier ajusté…

Et là, miracle : la sensation d’être compris, non seulement intellectuellement, mais corporellement, émotionnellement, totalement. Nous sommes ensemble.

Cette présence partagée transforme la séance. Je ne cherche plus à comprendre le patient. Nous sommes là, ensemble, à essayer de mettre en mots, en acte, en sens la complexité de son humanité. Et cette expérience est transformatrice.

C’est cela que je cultive dans les ateliers pour professionnels de l’accompagnement. Pas en tant que thérapeute qui y arrive tout le temps (ça serait malhonnête 😅), mais comme personne qui a envie de s’entrainer encore et encore à cela.

Il faut de la technique pour faire le thérapeute.
Il faut du courage et de l’humilité pour être thérapeute.

(PS : Je ne dis pas qu’il ne faut pas poser de questions – mais d’interroger aussi notre intention derrière elles.)